L’occasion de se remémorer ses cours d’histoire, de constater que non ce n’était pas mieux avant et de s’apercevoir que nos aïeux usaient déjà de mesures qui nous sont quelque peu… contemporaines (spolier : ça causait déjà confinement et gestes barrières).
Saison 1 : La peste
La tristement célèbre peste, celle qu’on a étudié dans nos livres d’histoire au collège, fléau de l’Europe frappant par vagues récurrentes pendant des siècles. A l’époque, 30 à 60% de mortalité, rien que ça !
Au Moyen-Âge en 1348, l’Europe connaît l’épisode de peste le plus meurtrier de son histoire, la « Peste noire » de son doux surnom. Arrivant en France par Marseille, les contaminations remontent très probablement par le Rhône pour atteindre la région lyonnaise. Avec nos yeux du XIXème siècle, Lyon est un village. Peu d’informations enregistrées sur cette vague épidémique, si ce n’est les registres de la paroisse de Saint-Nizier mentionnant 20 à 30 % de mortalité, soit un tiers de la population de l’époque. C’est sûr, ça calme.
Saison 2 : La syphilis
1495 est l’année de la syphilis (après l’astrologie chinoise, l’astrologie épidémique). On la pense rapportée d’Italie par les armées de Charles VIII de passage à Lyon. Les Italiens, eux, pensent l’inverse et l’appelleront le « mal français ». Quoiqu’il en soit, elle est l’une des premières MST connue et, par sa définition, associée aux mœurs légères… Bien que peu souvent mortelle, elle reste très contagieuse.
Dans la région lyonnaise, la syphilis se répand à grande vitesse (bande de coquinous), si bien que les hôpitaux se retrouvent vite débordés. L’Hôtel-Dieu finit par n’accepter que les patients natifs de Lyon. Maladie honteuse, les personnes atteintes sont montrées du doigt et placées en isolement. Un tri s’effectue selon le mode de contamination sous menace de dénonciation publique : il fallait alors prouver ne pas avoir été contaminé en étant frivole ( « puisque je vous dis que j’ai glissé et que je suis tombé sur Madame ! » )…
Au fil des décennies, la syphilis rentrera dans les mœurs (même légères) et sera soignée comme n’importe quelle autre maladie.
Saison 1 reboot : La peste le retour
Sur les siècles qui ont succédé au premier grand épisode, la peste n’a jamais vraiment disparue du territoire européen et frappe par vagues plus ou moins importantes. En 1628, c’est un tsunami. A Lyon, dès les premières rumeurs d’une nouvelle épidémie aux alentours, les marchandises importées des zones contaminées sont placées en quarantaine. La ville se retrouve progressivement en autarcie, fermant ses portes au risque d’une crise économique. Les plus riches quittent la ville pour se réfugier dans leurs maisons de campagne (ça vous rappelle quelque chose ?). Malgré ces mesures préventives, les mauvaises conditions d’hygiène de l’époque sont favorables à la propagation de la maladie.
Au lendemain des fêtes de Noël 1628, le nombre de décès quotidiens double. De cette manière, les médecins de l’époque identifient la cause la plus directe de la transmission de la maladie : le contact. Le Bureau de la Santé, sorte de cellule de crise créée en 1581 et pouvant prendre des mesures exceptionnelles en cas d’épidémie, ordonne l’isolement des malades. La mise en quarantaine s’exécute dans l’hôpital Saint-Laurent, aux portes de la ville sur l’actuelle… rue de la quarantaine. Fun fact pour vous rappeler que derrière chaque nom de rue se trouve une histoire.
Des mesures complémentaires sont prises et font écho à d’autres plus actuelles : confinement des quartiers les plus touchés, nettoyage des rues et des espaces publics, assèchement de l’air dans les lieux clos (on a dit qu’il fallait aérer !), marquage des portes des logements des malades pour éviter tout contact… Les soignants portent déjà des tenues protectrices sorties tout droit d’un film d’horreur (le fameux masque à bec ressemblant à un corbeau ; on préfère presque nos masques canard FFP2).
En 1629, le nombre de cas diminue mais le bilan est lourd : Lyon a perdu la moitié de sa population. Quelques foyers persistent mais sans toutefois replonger dans une deuxième vague, grâce notamment à la mise en quarantaine des malades.
Saison 1 remake annulé : La peste non merci on n’en veut pas
Deux épidémies de peste ont été évitées à Lyon, dont la première a donné naissance par ricochet à la tradition lyonnaise du 8 décembre.
En 1643, la rumeur d’une nouvelle épidémie de peste se fait entendre. Marseille étant déjà très touchée, on craint une remontée par le Rhône comme précédemment. Les Lyonnais se tournent alors vers la Vierge Marie en lui demandant de protéger la ville. Lyon sera épargnée. La suite de l’histoire, vous la connaissez…
Moins de 100 ans plus tard en 1720, un nouvel épisode de peste s’abat sur la France. Très vite, le Bureau de la Santé à Lyon prend des mesures préventives : confinement strict et mise en quarantaine des malades et personnes de contact. Ceux qui ne respectent pas les directives sont envoyés en prison (ça change de l’amende à 135 €). La peste n’arrivera pas à Lyon.
Saison 3 : Le choléra
Durant la première moitié du XIXe, le choléra fait parler de lui dans le monde entier. Une pandémie ? Tout à fait. Venue d’Inde, d’où son surnom de « peste d’Inde ». La maladie arrive rapidement sur le territoire français et frappe durement Paris et Marseille sur différentes vagues entre 1830 et 1850. Les Lyonnais, fatalistes, attendent leur tour. Que nenni !
Progrès de la médecine, démocratisation des pratiques d’hygiène et leçons des expériences passées permettent d’éviter le pire. Les médecins identifient déjà à l’époque les facteurs de comorbidité de la maladie, aidant ainsi la protection des plus fragiles. En plus des déplacements déjà limités depuis la révolte des Canuts, le maire et médecin Gabriel Prunelle invite les Lyonnais à redoubler d’hygiène (lavage des mains, nettoyage de son logement…). Lyon échappera aux différentes vagues de choléra, seuls quelques cas seront recensés.
Saison 4 : La tuberculose
Il est possible que vous connaissiez la tuberculose pour deux raisons : ce serait la maladie qui a foudroyé Molière sur scène, l’emportant dans sa tombe, et elle a fait parler d’elle en 2014 lorsqu’on a découvert que les éléphants du Parc de la Tête d’Or en étaient porteurs. Nos ancêtres lyonnais, eux, l’ont côtoyé pendant plusieurs décennies.
Maladie hautement contagieuse, transmissible par gouttelettes par voie aérienne (si ça vous rappelle quelque chose…) et souvent meurtrière, la tuberculose s’abat sur Lyon autour de 1870. Le foyer naît à Croix Rousse où les Canuts sont les premières victimes. Rodée, la municipalité sensibilise la population aux gestes barrières de l’époque : on invite à ne pas cracher par terre mais à utiliser un crachoir de poche (à ajouter sur votre liste au Père Noël), et à mettre un mouchoir devant sa bouche lorsqu’on tousse. Bref, en 2020, on a rien inventé. Il faudra attendre début XXe pour que l’épidémie recule significativement, grâce aux progrès de la médecine et surtout à l’élaboration du premier vaccin : le BCG que vous avez peut-être connu enfant.
Saison 5 : La grippe espagnole
Souvent reprise par les médias en comparaison du Covid-19, la grippe espagnole est la dernière pandémie mondiale précédent celle actuelle. Durant l’hiver 1918-1919, elle semble arriver en France par le débarquement de soldats américains contaminés. Lyon et sa banlieue industrielle sont fortement touchées. Intra-muros, pour le mois d’octobre seul, on compte 2 545 décès soit 0,5% de la population de l’époque. Les hôpitaux lyonnais accueillent davantage de patients atteints de la grippe espagnole que de blessés de guerre. Peu de médecins sont disponibles en raison du contexte et il n’existe aucun traitement.
Edouard Herriot, maire de l’époque, prend immédiatement des mesures exceptionnelles, non sans rappeler celles prises lors du premier confinement en 2020 : quarantaine des malades, fermeture des lieux de spectacle, suppression des convois funéraires, interdiction des messes d’enterrement, désinfection des gares, des écoles et des lieux publics, limitation des déplacements, incitation à porter un voile devant la bouche et à se laver les mains et… interdiction de secouer les tapis aux fenêtres. Étrangement, on n’a pas réitéré cette dernière.
L’épidémie connaît une deuxième vague fin 1918 puis une troisième, plus courte, en février 1919. Elle disparaîtra au fil des mois, restant meurtrière pour les personnes les plus fragiles, les survivants quant à eux ayant fait leur immunité.
Voilà, vous en connaissez davantage sur l’histoire des épidémies à Lyon. On se rend compte que le dernier épisode, celui qui se déroule en 2020 et dont je n’ai pas besoin de vous narrer les détails, n’est pas si exceptionnel que ça.
1 commentaire
Super article. Très instructif. Finalement le covid n’est pas très nouveau. Il a seulement changé de nom. Bravo.