Mais d’abord, qu’est-ce qu’une ville cool ?
Ça tombe bien, quelqu’un de compétent s’est penché sur la question. Il s’agit de Florian Kock, un professeur agrégé de marketing et de tourisme à la Copenhagen Business School.
Pour lui, la ville cool se doit d’être authentique, rebelle, originale et pleine de vie. Ces critères lui ont même permis de dresser la liste des 100 villes les plus cool du monde (spoiler : Lyon n’en fait pas partie).
Plus important encore, la coolitude doit être spontanée. Selon Shawn Micallef, chargé de cours à l’Université de Toronto et auteur en urbanisme au Canada : « La coolitude émane rarement de l’hôtel de ville ». Autrement dit, le cool ne doit pas être institutionnalisé, ni même forcé. Il doit émaner de sa population et de l’ambiance générale de la ville. Il doit être le plus naturel possible (en gros du bon cool bio élevé en plein air et pas du cool bourré d’OGM).
Qu’en est-il pour Lyon ? Voici quelques critères qu’il nous a semblé intéressant d’étudier.
La jeunesse
Le cool a toujours été associé à la jeunesse. C’est comme ça ! La coolitude vous abandonnera progressivement au fur et à mesure que vous prendrez de l’âge (et que vous perdrez vos cheveux). Un jeune cool est cool, mais un vieux cool est davantage un adulte un peu babos qu’un mec dans le coup…
Sur ce point-là, Lyon reste une ville cool. En effet, il n’y jamais eu autant de jeunes à Lyon. 55% de la population de la ville a moins de 30 ans. Les nombreuses universités, écoles et autres formations du supérieur attirent les étudiants par milliers. Les opportunités d’emploi sont aussi un facteur d’attrait. Lyon profite aussi d’être la seule grosse ville de la région Auvergne-Rhône-Alpes (aucune autre ville ne dépasse les 200 000 habitants).
Enfin, de plus en plus de familles quittent la ville, faisant mécaniquement descendre la moyenne d’âge.
Verdict : coolitude en hausse ↗️
Le coût de la vie
Que vient faire le cout de la vie dans cette histoire ? Eh bien une ville cool est aussi une ville où on peut se loger facilement et où on n’a pas besoin d’enchainer les heures sup ou prendre un second job pour pouvoir payer son loyer et sortir.
Sur ce point, Lyon est sur une pente très glissante. On se moquait du coût de la vie à Paris, il y a quelques années, mais on a depuis rejoint la capitale dans la liste des villes les plus chères de France.
Certains diront que c’est la rançon de la gloire et qu’une ville cool devient inexorablement plus populaire et les prix augmentent mécaniquement. Mais force est de constater que pour rester cool une ville doit savoir rester abordable pour le commun des mortels.
Verdict : coolitude en baisse ↘️
La culture urbaine
Les attributs d’une ville cool se réfèrent souvent à la culture urbaine. Street art, street food, skateboard, hip-hop, rap… Autant d’éléments qui apportent une touche de hype aux rues et à l’ambiance d’une cité.
Lyon n’a pas à rougir en la matière. Le street-art est très présent, notamment dans le quartier des Pentes de la Croix-Rousse et de la Guillotière. Le Lyon Street Food festival est l’un des plus gros événements food de France et la ville compte de nombreux skateparks (Le champion du monde de skateboard 2023 est même Lyonnais !) …
Mais tout ça semble un peu trop propret et trop organisé. Car le cool ne doit pas être forcé. Un graff posé en toute clandestinité sur un mur fraichement repeint, c’est cool. Un graff affiché dans une galerie avec du champagne servi pendant le vernissage, ça ne l’est pas. Une fête géante dans une friche industrielle, c’est cool ! Un set électro pointu dans un lieu prêté par la mairie, ça ne l’est pas…
Même le pourtant très cool festival Nuits Sonores s’est assagi, délaissant ses gros apéros festifs en pleine rue pour des lieux plus adaptés mais plus encadrés aussi.
D’un point de vue musical, malgré ses efforts, la Capitale des Gaules n’arrive toujours pas à se faire une place sur la galaxie rap française. Le genre le plus écouté de l’époque ne semble pas se plaire entre Rhône et Saône où seule la chanson française trouve droit de cité. Alors oui, on a Pomme et Benjamin Biolay, mais avouez qu’on a connu plus excitant…
Les institutions lyonnaises ont bien compris l’intérêt d’accompagner et de favoriser le développement de ces activités cool, aussi bien pour l’image de la ville que pour le plaisir de ses habitants, mais cela se fait souvent au détriment de la spontanéité.
Au final, oui, il y a plus de cool dans la ville qu’avant mais ça pourrait être beaucoup mieux.
Verdict : coolitude inchangée ➡️
Le côté rebelle
Alors oui, Lyon a, par le passé, connu son heure de gloire en matière de rébellion. Mais les Canuts et la Résistance sont loin maintenant. Lyon se traine une image de ville bourgeoise depuis des décennies et n’arrive pas à s’en débarrasser. Le milieu underground et alternatif lyonnais est encore famélique et si on a pu voir émerger quelques étincelles par le passé, aucune n’a suffi à embraser la ville.
Il existe des lieux alternatifs, des bars associatifs et des collectifs qui tentent d’autres voies et d’autres chemins pour nous faire vivre la ville différemment, mais pour une ville de la taille de Lyon, cela reste un peu anecdotique.
Aujourd’hui, les friches artistiques ou tiers-lieux sont surtout le fait de promoteurs qui cherchent à exploiter des vieux bâtiments avant réhabilitation pour rendre le secteur plus branché (et vendre le m2 plus cher !) que de véritables projets underground et alternatifs.
Verdict : coolitude en baisse ↘️
La créativité
Lyon, au fil des siècles, a souvent fait preuve de créativité et a même était précurseuse de certains changements. Des innovations importantes (dont la plus célèbre, le cinéma) ont vu le jour dans notre chère ville. Même en ce début de millénaire, Lyon fait office de pionnière. C’est la première ville au monde à déployer un réseau de vélos en libre-service ou à réaménager en promenade ses bords de fleuve.
Cependant, ces dernières années, on sent que ce souffle créatif s’est un peu tari. Pas de grosse innovation urbaine qui transformerait notre façon de vivre en ville, ni d’ouverture de lieux qui ne ressembleraient à aucun autre. Lyon n’est pas non plus à la ramasse, mais on sent qu’elle s’inspire davantage de ce qui est cool ailleurs (avec parfois un peu de retard) qu’elle ne cherche sa propre voie.
On attend encore le nouveau resto qui va affoler la planète food, le lieu insolite qu’on aura jamais vu ailleurs ou la tendance vestimentaire qu’on retrouvera ensuite partout, de Berlin à Paris en passant par New-York.
Verdict : créativité en baisse ↘️
Bilan
Si on se fie à cet article bien trop subjectif pour être crédible, Lyon a un peu perdu de sa superbe. Est-ce parce que l’auteur de ses lignes s’éloigne de l’âge cool et devient un chantre du « C’était mieux avant »? Peut-être ! Mais toujours est-il que la « hype » que Lyon a pu connaitre il y a quelques années est légèrement retombée.
Heureusement, la Capitale des Gaules n’a pas dit son dernier mot et sa jeunesse est son principal atout. À n’en pas douter, la nouvelle génération saura amener des projets créatifs, un brin provocateurs, aussi étonnants qu’épatants. Lyon reste une ville des possibles où rien n’est définitivement figé.
On en reparle dans 10 ans ? (au fait, c’est toujours cool de mettre des emojis dans les articles ?).
PS : n’hésitez pas à nous donner votre avis sur la question en commentaire !
3 commentaires
Merci Cityrunch pour la qualité de cet article. Il est vrai que depuis quelques années Lyon a perdu de sa superbe sur le plan culturel et coolitude. Peut-être un retour à ce qu’elle a toujours été : une ville sérieuse née du négoce, une population bourgeoise tirant parti du commerce, de la façon de pensée avec le spiritisme et la franc-maçonnerie, grise et froide durant son climat hivernal.
Au-delà de ces points négatifs que je vais citer, mais qui sont à améliorer, le calendrier culturel lyonnais reste néanmoins diversifié et il fait globalement bon vivre à Lyon. Puis la ville sera éternellement belle !
Dans les faits, plusieurs figures emblématiques de la culture et de la gastronomie lyonnaise nous ont quittées récemment (Bocuse, Zuravik pour la fête des lumières, entre autres), des personnalités-repères difficilement remplaçables.
Des événements telles que la fête des lumières, ne sont plus aussi mobilisateurs, dans le sens où l’émerveillement s’est cantonné aux premières éditions par manque d’originalité ou par effet de lassitude… Mais surtout des événements de plus en plus encadrés dans un contexte sécuritaire de plus en plus étouffant. Le plaisir de déambuler où l’on voulait n’y est plus.
C’est dans ce contexte là qu’émergent d’autres effets : à Lyon, on fait particulièrement la fête « à l’abri des regards » dans des lieux souvent clos, la fête devient presque invisible (exemple des Nuits Sonores).
Payant ou pas, l’accès à la fête est devenu hyper contrôlé : y’a qu’à voir après 0h sur les berges du Rhône, entre jeunes ne pouvant pas rentrer en boîte à cause de leur faciès ou style vestimentaire et les autres sur les péniches. Vexés ou incompris, les premiers commettent de nombreux actes de délinquance, cercle vicieux.
Les populations se mélangent donc de moins en moins, traduisant le creusement des inégalités entre les arrondissements de Lyon, mais aussi entre Lyon et sa banlieue (et à l’échelle nationale…). Car manque de politique culturelle métropolitaine, manque de festival inter-arrondissements, dédiés aux cultures urbaines, et en plein air pour que ça se voit ! Lyon s’accapare souvent tout au détriment de sa banlieue (dernier exemple en date, le maire de Bron qui rappelle à la presse qu’Aurélien Giraud et Karim Benzema sont brondillants ou encore Davy Tissot, gagnant des Bocuse d’Or 2021 vient de Vénissieux, mais dont la presse n’en a fait aucun écho, etc.
La gentrification n’a pas eu que du bon ici, la culture populaire de certains quartiers qui se sont gentrifiés (Vieux-Lyon, Croix-Rousse et Guillotière notamment) a quasiment disparue et la population lyonnaise établie depuis des générations a été peu à peu remplacée par des néo-lyonnais souvent peu enracinés à la culture historique de Lyon. Les joutes fluviales ont par exemple disparues, le carnaval de Saint Georges a décliné, le tournoi de la Pentecôte qui fête la boule lyonnaise périclite, les Pennons de Lyon sont vus comme une milice identitaire, de moins en moins de lumignons sur les fenêtres le 8 décembre, etc.). Ces néo-lyonnais qui croient tout connaître de leur ville via des blogs ou des comptes insta où le paraître est le plus important et où la culture bobo-pensante se croit au-dessus des autres cultures. Par ailleurs, certains articles de Lyon City Crunch s’en amusent en disant par exemple que dans le 8è ou derrière le périph y’a rien, alors que c’est faux. Bref un Lyon culturel cantonné à sa presqu’île et un bout de sa rive gauche.
La jeunesse est une force indéniable, mais après des années Covid, et dans un contexte pessimiste de réchauffement climatique, de crises de toutes sortes, des élites n’écoutant pas assez les jeunes, la baisse des subventions allouées à la culture, etc. l’envie ambitieuse de créer et d’innover s’est tarie. Cela se ressent aussi dans certaines politiques de lieux culturels connus, à l’instar du MAC de Lyon ou du musée des Beaux-Arts : qui se souvient des grandes expos d’envergures organisées il y a presque une décennie ? Andy Warhol ? Keith Haring ? Etc.
Niveau bouffe et boissons, on continue à se régaler à Lyon mais à un prix de plus en plus élevé : bonjour la pinte moyenne à 7 euros voire, déjà vue à 10 euros dans certains endroits. A Berlin, tu peux te prendre une cuite pour moins de 10 euros. A noter enfin, des halles Paul Bocuse d’une très grande froideur, contrastant énormément avec les halles gourmandes et conviviales du Midi et du sud de l’Europe. Il faudrait un Lyon street food festival à l’année dans un lieu approprié.
Merci pour ce commentaire des plus intéressant qui complète bien mon article ! C’est une bonne analyse de la situation.
Quant au fait qu’on se moque régulièrement de la banlieue, c’est souvent de l’autodérision, une partie non négligeable de l’équipe vit de l’autre côté du périf 🙂
Que je partage votre avis !
Merci pour vos mots