Pour ce nouveau coup de cœur je vous présente Christophe Gaultier, auteur et dessinateur de BD depuis pas loin de 20 ans. Pourtant, j’ai découvert son travail il y a peu, avec Le porteur d’histoire que je vous recommande vraiment.
J’aime son trait atmosphérique, libre et assez sombre aussi.
En l’ayant vu travailler, j’ai découvert qu’il dessinait en partie au crayon de bois, puis à la à la gomme. Une petite gomme qui fait un bruit de brosse à dent électrique et qui s’avère très efficace.
Christophe Gaultier commence sa carrière en tant que chef décorateur, en travaillant notamment sur l’excellent long métrage les Triplettes de Belleville. En 2000, Il publie sa première BD et ne s‘arrêtera plus. Je ne sais pas si ça vous parle, mais en gros, faire une BD par an non stop depuis 20 ans s’apparente plus au rendement d’une machine qu’à un être humain. Heureusement, les robots n’ont pas encore été dotés de talent, et les auteurs de BD ont encore de beaux jours devant eux. (Enfin, de “beaux” jours s’ils étaient un peu plus écoutés par les instances gouvernementales et les grosses maisons d’édition, mais c’est une autre histoire que je vous invite à suivre ici ou sur le blog de Samantha Bailly).
Je donne rendez-vous à Christophe à la Fourmilière, dans le 7ème, le jour même de la sortie de sa dernière BD, La Tragédie Brune.
On parle de journalisme, d’Allemagne et de quenelle Lyonnaise.
Quelque mot sur la Tragédie Brune
Ce livre raconte l’enquête menée par le journaliste Français Xavier de Hautecloque. Elle débute en octobre 1933, au moment des élections législatives qui placeront définitivement le parti “hitlérien” à la tête de l’Allemagne.
Qu’est ce qui est important à dire sur cette histoire ?
Ce qui est intéressant c’est que mise à part une poignée d’historien, très peu de gens ont connaissance de ce livre, qui s’est avéré malheureusement prophétique. Xavier de Hautecloque était ce qu’on appellerait aujourd’hui un lanceur d’alerte. Il a essayé de prévenir qu’il se passait des choses vraiment graves en Allemagne, il a été un des premier à révéler l’existence des camps de concentration et à anticiper qu’on allait droit sur une guerre mondiale. Malheureusement, son livre sorti chez un éditeur indépendant en 1935 après sa mort (il a été assassiné par les nazis), est totalement passé inaperçu.
Lorsque l’auteur arrive en Allemagne, qu’il connaît pourtant bien, il se rend compte d’un changement d’ambiance et de mentalité. Ses amis se sont repliés sur eux-même et refusent de lui parler, les gens disparaissent sans que l’on sache ce qu’ils deviennent. On ressent tout ça dans le livre et c’est ce qu’on a voulu raconter aussi en BD.
Comment s’est déroulée l’adaptation du livre en BD ?
J’ai été contacté directement par mon éditeur (Les Arènes BD), pour adapter ce récit historique. J’ai beaucoup aimé ce livre, et comme j’ai senti que ce serait une tâche vraiment ardue, j’ai fait appel à mon complice Thomas Cadène à qui j’ai confié les rênes de l’adaptation.
Avant de commencer le travail, on a voulu se documenter au mieux en retraçant le parcours de notre héros. On s’est donc rendu en Allemagne, en arrivant par Berlin comme on le voit au début de la BD, puis on est descendu vers le sud, en s’arrêtant dans plusieurs petits villages de Bavière, pour finir par le tristement célèbre camp de Dachau.
On a fait plus de 450 photos pour la réalisation du bouquin, mais seul 5% nous auront servi pour les décors. En revanche, le voyage nous a beaucoup aidé à nous imprégner de l’ambiance, d’autant plus qu’on l’a fait à la même période que notre héros, en Novembre, et qu’il devait faire dans les -2°.
Tes dessins au crayon de bois sont superbes (comme toujours, j’adore), mais on sent que ton style est différent.
Effectivement, pour cet album, j’ai voulu adapter mon style en ligne claire, avec moins de volumes et de matière que dans mes précédents albums. J’ai voulu me rapprocher de l’esprit d’une vieille revue satirique Allemande (Simplicissimus) principalement composée d’illustrateurs expressionnistes. C’est quelque chose que j’aime et qui me parle beaucoup. Je voulais également un dessin qui ait une facture de l’époque pour être encore plus plongé dans l’ambiance.
Quelles sont parmi tes BD celles que tu voudrais conseiller à des lecteurs qui ne te connaissent pas ?
Il y en a 2 dont je suis très fier et qui sont des adaptations de roman, c’est Robinson Crusoé (en 3 tomes), et le Suédois. Il y a aussi l’album de Donjon Potron Minet (sans un bruit) que j’ai fait en collaboration avec Joann Sfar et Lewis Trondheim.
A propos de Lyon :
Tu me disais que tu te sentais un peu comme un touriste à Lyon ?
J’habite à Lyon de façon permanente que depuis 1 an et je me rends compte que je n’ai pas encore eu le temps d’être dans l’exploration de la ville. Je ne me repère d’ailleurs pas encore super bien. Je n’ai visité le vieux Lyon qu’une seule fois et même pas en entier.
Finalement, je préfère partir me promener à la campagne pour me mettre au vert les week-ends, ou faire des vides greniers. J’adore ça. Dernièrement, j’ai fait une brocante dans le joli village en Pierre dorée du Bois d’oingt. ça vaut sa petite heure de route.
Il y a aussi Les Puces du canal. Quand j’y vais, ce n’est pas pour acheter, mais pour me laisser surprendre. De toutes façon, quand tu as un but et que tu cherches quelque chose, tu ne le trouves jamais.
Est-ce que Lyon est une ville qui pourrait t’inspirer par ses décors, son ambiance ?
Tout à fait, j’aime beaucoup l’architecture et j’aime dessiner les décors urbains. Mais ça serait plutôt dans la partie historique de la ville, comme le Vieux Lyon.
Lyon côté bouffe ?
Mon meilleur souvenir pour l’instant, c’est au bouchon Chez Hugon près de la place des Terreaux.
C’est un vieux bouchon, tout petit avec une belle devanture en bois, des toiles cirées. Vraiment typique ! Et ils ont une quenelle extraordinaire. Par contre, tu es obligé de prendre un menu entier et tu ressors sur les genoux. Et pourtant je suis un gros mangeur.
Une ambiance cantine familiale, sans prise de tête, pas cher. Ça réunit tout ce que j’aime.
Un lieu artistique ?
L’atelier de sérigraphie Expé Edition est superbe. Et ils font du très bon travail. Ils ont d’ailleurs reproduit un de mes dessins extrait du fantôme de l’opéra, qu’on peut trouver en vente à la Librairie Expérience.
Et les bars ?
J’aime les bars dans leur jus et pas trop les trucs vintages qui veulent faire comme avant. Tu le sens quand c’est faux. J’aimais bien le café 7 par exemple, qui était très authentique (remplacé par Les Innocents). Sinon, bien sûr, il y a le Stamtich que j’aime autant pour l’ambiance, que pour les flammekueches qui sont sublimes.