Tel pourrait être le cri de guerre de beaucoup de parents face à l’insistance d’une armée de jeunes aficionados en quête de la paire ultime. Car oui, de nos jours, la sneaker représente non plus un accessoire nécessaire à la pratique d’un sport, mais un véritable phénomène de société.
Et comme dans toute société évoluée qui se respecte, on se doit de donner la parole à tout le monde, y compris à cet attribut devenu une composante bien plus importante qu’elle ne pourrait le laisser paraître. Et il faut bien l’avouer, j’ai moi aussi succombé à la tentation.
Mais qui de mieux placé que la principale intéressée pour partager cette incroyable ascension. Car grimper des sommets à priori, elle sait faire, elle est même taillée pour ça. Mais pas besoin d’aller très loin : ses exploits, elle va les concrétiser dans notre bonne vieille capitale des Gaules, la susnommée Lyon.
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Épreuve une
Les enchères sont ouvertes. En effet, être à mes pieds se mérite. Levée aux aurores par le doux son du réveil pour ne pas manquer le début des hostilités et remporter le droit d’accéder au Graal. En d’autres termes, se connecter sur un de ces sites dédiés dans l’espoir de pouvoir acheter la paire tant convoitée à un prix exorbitant.
L’heure fatidique arrive… Première étape manquée ! Je n’ai pas été sélectionnée… Mais tout n’est pas perdu pour autant.
Épreuve deux
Armée de ma vieille paire que je suis impatiente de changer, je me rends dans un de ces magasins à la mode en quête de la paire recherchée. Ils fleurissent dans le centre-ville et sont reconnaissables à leur bande-son lourde (les basses au max), une décoration minimaliste : un t-shirt blanc avec un logo décliné sous toutes les couleurs suspendu à un cintre avec une étiquette à plusieurs zéros ; un pistolet à billets pour se la jouer comme 2Pac au cours d’une swimming party (mais avec les liasses de billets en moins) et des vendeurs plutôt affairés à terminer leur partie de baby-foot qui trône au milieu du magasin.
Mais après moults slaloms, j’atteins ma cible : le rayon avec des modèles prêts à être consommés. Et les mots ne sont pas choisis par hasard. C’est littéralement le cas : des modèles emballés dans du film cellophane. « Me suis-je perdue dans cette course d’orientation ? Suis-je au rayon frais catégories denrées périssables ? » Passons ! Le modèle repéré, passage en caisse. Aïe ! Ça fait mal. Mais la satisfaction de posséder la paire de baskets tant convoitée l’emporte.
Épreuve trois
Affublée de ma belle acquisition, deux chemins s’imposent à moi : le traditionnel, tester sa technologie en empruntant les multiples lieux dédiés aux sportifs adeptes du running qui fleurissent de-ci de-là dans la ville. Au détour d’une rue piétonne, ne croise-t-on pas d’étranges spécimens affublés de brassards connectés, de short et maillot fluo et de la paire de sneakers « ceux qui font courir trop vite » comme disent les enfants. Les berges, les parcs, pullulent de ces schizos alternant tenue de ville le jour et tenue de guerrier sportif la nuit tombée. Mais trop peu pour moi.
Épreuve quatre
À force de les observer, ces baskets me paraissent finalement sans âme. La lourde impression d’alimenter un système d’uniformisation me pèse.
Originalité : tel est le maître mot de la prochaine épreuve à laquelle va être confronté mon allié pédieux. La customisation devient alors le nouvel eldorado dans le monde de la basket. Si nous avons droit, nous autres, au lifting et autres injections de botox, nos sneakers peuvent, elles aussi, prétendre à une cure de jouvence. Là encore, les échoppes ne manquent pas au sein de notre très chère ville : confiez-leur votre vieille paire, et vous repartirez avec une véritable œuvre d’art. Et je pèse mes mots. Tout y passe : analyse des matériaux qui la composent, brainstorming sur le projet choisi par un graffeur lyonnais.
Lyon capitale des Gaules, mais aussi du Street Art sous toutes ses formes. Il suffit de flâner dans certains quartiers et de lever le regard : cesser de regarder le sol et vos sneakers et laissez-vous emporter par l’expression des murs de votre ville. La réalisation terminée d’une simple paire sans saveur, me voilà propriétaire d’une œuvre d’art.
Coup de sifflet final, on franchit la ligne d’arrivée : exposition dans une célèbre galerie d’art du premier arrondissement.
La consécration, la récompense ultime
D’une boîte en carton estampillée d’un logo suranné sous les néons froids d’un rayon aux lumières tamisées des projecteurs de ladite galerie, il n’y a qu’un pas ! (de baskets !)