A la question « et tu vas voir quoi cette année aux NDF ? », j’ai répondu : « Juliette, Juliette Greco ».
Généralement, c’est à ce moment là que les gens pensent que je fais une petite blague.
Et bien, même pas.
Crédit : Nuit de Fourvière – Richard Dumas
Elle est un personnage, elle est une déesse. La Muse de St Germain entre sur scène, se pose, s’impose, et lance sa voix sombre, sans hésitation, sans chevrotement.
Je pleure déjà.
Elle chante les poètes qu’elle a connus autrefois (Ferré, Gainsbourg, Brel, Bourvil…) dans une tonalité moderne et joliment désabusée.
C’est une voix posée, intense et encore plus chaude, faite parfois de souffles rauques, de murmures étouffés, comme des secrets.
Voilà « La Javanaise ».
Je frissonne.
Elle donne à certains chants un timbre rieur de comptine (« Jolie Môme », « Un petit poisson… »), à d’autres des accents graves, durs et autoritaires (« Mathilde », « J’arrive »).
« Je n’ai pas perdu la tête… Je sais que je n’devrais pas, mais… » annonce-telle avant le titre « Déshabillez-moi ! ».
Son corps frêle se perd dans une grande robe noire, où tranchent ses mains et son visage diaphane. Sa gestuelle nous transporte. Très vite, on oublie la femme de 85 ans, son histoire, ses rencontres. D’une grande justesse, son interprétation donne vie à d’autres personnages de tous temps et de tous âges.
Accompagnée au piano par son mari Gérard Jouannest (pianiste de Jacques Brel) et à l’accordéon par Jean-Louis Matinier, la Dame en noir nous a offert quelque chose de précieux, bien plus qu’un récital d’une vingtaine de chefs d’œuvre.