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Aujourd’hui, Charlotte vous raconte sa première fois dans un des lieux les plus mythique (pas forcément pour de bonnes raisons) de la nuit à Lyon : le Boston.
Lyon, le vendredi 27 octobre 2023 à 8h32.
Je me réveille avec les cheveux en pétard, les yeux rouges et la bouche pâteuse… Rien d’étonnant lorsque tu t’es couchée à 6 heures du matin. En revanche, ce qui est plus étonnant est le lieu où je me trouvais jusqu’à cette heure-ci.
Je m’étais pourtant promis depuis bien longtemps de ne jamais y mettre les pieds, l’établissement ne jouissant pas d’une bonne réputation. Contre toute attente, j’ai passé la seconde partie de la nuit au Boston, place des Terreaux.
Il me parait opportun de vous apporter dans un premier temps quelques éléments de contexte. Une de mes amies, Camille, avait organisé une soirée dans un bar pour fêter son départ à l’étranger. Nous nous sommes retrouvés avec notre bande d’amis dans un bar du premier arrondissement dans lequel était organisé un blind test, activité convoitée par les trentenaires. La soirée se passe à merveille.
Plus les heures passent, plus nos amis nous délaissent pour retrouver les bras de Morphée afin de maintenir leur capital sommeil. A 1 heure du matin, il n’y a plus que Camille et moi. Etant les seules à ne pas travailler le lendemain, nous avons poursuivi la soirée dans ce bar et nous nous sommes mises à danser de plus belle. A l’occasion d’une pause cigarette devant le bar, je fais la rencontre d’un jeune homme de 26 ans, Jordan et nous sympathisons. Arrive à ce moment-là le compagnon de Camille, Quentin, qui nous rejoint après une soirée passée avec ses collègues. Nous poursuivons la soirée tous les quatre. A 2 heures du matin, on nous annonce la fermeture du bar.
Camille et Quentin ont très envie de poursuivre leur soirée de départ. Je leur précise alors que je n’ai aucune idée d’un bar ouvert à 2 heures du matin en semaine. C’est alors que Jordan nous propose de le suivre. Il nous dit connaitre un endroit où nous pourrons poursuivre la soirée. Nous marchons quelques dizaines de mètres, Quentin et moi sommes en pleine conversation, lorsque Jordan et Camille s’arrêtent nets. Nous sommes devant le Boston, place des Terreaux.
Je suis lyonnaise depuis toujours et je n’y ai jamais mis les pieds même lorsque j’étais étudiante. Avec mes amis on préférait organiser des soirées chez les uns et les autres. Je m’étais promis de ne jamais y aller ayant toujours entendu dire que l’accueil y était exécrable, le personnel peu agréable, la moyenne d’âge de la clientèle basse et leur degré d’alcoolémie inversement proportionnel. J’indique donc à mes compères que je n’ai absolument aucune envie d’entrer dans ce lieu. Jordan me précise qu’à cette heure-ci on ne trouvera rien d’autre d’ouvert, Camille et Quentin me disent que je suis rabat joie. Je m’incline donc face à la majorité, non sans inquiétude.
Premier constat lorsque nous nous avançons devant l’entrée, des jeunes filles se plaignent bruyamment de l’accueil des « videurs », de la fouille qu’elles auraient subie et s’éloignent de la place des Terreaux avec leurs amis. Je m’imagine déjà en train de vilipender un « videur » s’il a le malheur de poser ne serait-ce qu’un bout de main sur moi. C’est à notre tour de passer l’examen d’entrée dans ce lieu. Les « videurs » nous regardent de haut en bas. Puis nous font signe de la tête que nous pouvons entrer, je n’ai pas souvenir d’avoir entendu le son d’une voix.
Compte tenu de ma tenue vestimentaire, plus adaptée pour une randonnée qu’une soirée, je me demande si c’est mon âge ou le fait que Jordan semble être un habitué des lieux qui a joué en notre faveur. Nous entrons donc dans un couloir au bout duquel se trouvent des portes battantes et j’entends la musique qui s’échappe de la pièce se trouvant derrières ces portes. Second contrôle de la part de « videurs », il s’agit cette fois d’une vérification du contenu de nos sacs. Je ne m’y oppose pas, je trouve ça même plutôt rassurant.A ce stade, je me réjouis qu’aucun geste déplacé n’ait été à déplorer.
Au bout du couloir, nous arrivons vers le vestiaire. Je souhaite déposer ma veste et mon sac. Quel étonnement lorsque la personne qui gère le vestiaire m’indique qu’il faut payer 2 euros pour laisser mon sac et 2 euros pour laisser ma veste. J’avais osé penser qu’avec 2 euros mon petit sac et ma veste pouvait être mis sur le même cintre. La carte bleue n’étant pas acceptée et n’ayant en espèces que 2 euros, je lui laisse mon sac et garde ma veste. Choix qui s’avérera par la suite judicieux. Une fois débarrassés du plus gros de nos affaires, nous entrons dans la pièce principale.
La première chose qui me frappe, alors que je m’en doutais, c’est l’âge que semblent avoir les jeunes qui se dandinent sur la piste de danse. Je dirais une petite vingtaine d’années. Je me prends mes 34 ans bien tassés en pleine face, ma vingtaine me semble bien loin… Ce que je prends également dans la face ou plutôt dans les oreilles c’est la musique. Je ne suis pas une experte musicale mais je dirais que nous sommes accueillis par de la techno, je reconnais notamment Charlotte de Witte et son « Push Up . Malheureusement ce style de musique n’est pas mon préféré.
Mon corps a, à ce moment-là, trop d’informations à traiter. Mes oreilles s’interrogent sur la manière de se protéger, mes yeux aussi, étant très sensibles à la lumière artificielle. Mon corps quant à lui se demande comment il va pouvoir sortir de son mutisme sur ce genre de musique. Et pour couronner le tout, la climatisation de l’établissement semble être réglée sur le mode
« tempête ». Je suis contrainte d’enfiler ma veste pour ne pas avoir froid et crains d’ores et déjà d’être enrhumée dans quelques jours. Je me demande donc ce que je fais là et la fuite me semble alors la meilleure option.
C’est alors que, sans aucune transition, a lieu un changement de style de musique radical. Là encore je ne suis pas une experte mais il semble que l’on soit passé de la techno à de la variété française. Je vois Camille et Jordan chanter à tue-tête une chanson que je ne connais pas. Je regarde Quentin interloquée et suis rassurée de constater que lui non plus ne connait pas cette chanson. J’apprendrai plus tard que j’écoute pour la première fois « A nos souvenirs » du groupe Trois cafés gourmands. Alors vous pouvez tout à fait vous dire que je n’ai aucune culture musicale, je m’en moque. Moi j’écoute Jazz Radio, pas Radio Espace.
Alors que mon cerveau tente encore d’appréhender cet enchaînement de musiques aléatoires, le DJ décide de passer « J’t’emmène au vent » de Louise Attaque. Les premières microsecondes je suis très surprise. Puis la surprise laisse très rapidement place à l’exaltation car j’adooore cette chanson. Elle me rappelle ma jeunesse enfin mon enfance, cette chanson est sortie lorsque j’avais 9 ans. Mes parents m’avaient offert l’album de ce groupe, je l’écoutais sur mon Walkman CD, et le connais par cœur. Je me dis d’ailleurs à ce moment-là que 98 % des personnes présentes à mes côtés ne savent pas ce qu’est un Walkman CD. A l’écoute de cette chanson je commence à chanter, à danser et ne ressens plus cette envie de partir en courant.
D’autres chansons des années 70 au début des années 2000 passent. Je suis surprise qu’Umberto Tozzi et son « Ti amo » puisse précéder Sexion d’Assaut et leur « Wati by night » mais suis rassurée d’entendre des chansons que je connais. Je me demande toutefois si la clientèle habituelle est aussi rassurée que moi ? Et finis par me dire que oui car ce genre de musique est intemporel. Puis on est d’accord, la musique c’était mieux avant ?!
Maintenant que je suis détendue et que je danse, je décide d’aller nous commander des shooters au bar. On se met d’accord pour du Get 27. Je passe commande auprès d’une barmaid plutôt agréable. Toutefois, je crois entendre son collègue qui me fixe de manière insistante, lui faire remarquer mon impolitesse, ce que je ne comprends pas ayant été tout ce qu’il y a de plus polie. La musique étant beaucoup trop forte pour que je sois certaine de sa réflexion, je ne réagis pas. Je suis servie, procède au paiement et constate que le shooter coûte 3 euros, je m’attendais à plus. Ce breuvage ne semble donc pas connaître l’inflation.
Je suis également étonnée lorsque la barmaid m’indique qu’elle ne sert pas de Get27 « pur » et que ce dernier est mélangé avec de la vodka. Alors je ne comprends pas pourquoi ce mélange serait obligatoire mais n’ayant rien contre la vodka, je me dis pourquoi pas. Nous trinquons, buvons et repartons sur la piste de danse.
C’est alors qu’un très jeune homme déterminé arrive vers moi dans l’intention de me faire danser. Nous échangeons quelques pas de danse et j’apprends qu’il se prénomme Diego. Il me fait rapidement comprendre qu’il ne parle qu’espagnol. Je suis flattée mais surtout navrée Diego car « no hablo espanol », ma maitrise de cette langue se limitant à « Hola que tal ? », « une cerveza » et « la cuanta por favor ». Il repart donc, sans animosité, en se trémoussant vers d’autres horizons.
Bien entendu, nous croisons durant la soirée un tas de personnes titubant et n’ayant plus aucun sens de l’orientation. Globalement, ces jouvenceaux ne se rendent pas compte qu’ils ne tiennent presque plus debout et nous ignorent ou s’excusent lorsqu’ils jouent aux auto-tamponneuses. En revanche, un jeune homme trapu se prétendant être rugbyman veut en découdre pour une raison que j’ai du mal à comprendre. Après avoir échangé avec ses collègues qui tout aussi alcoolisés sont moins agressifs, ils parviennent à le calmer. Je ne m’attendais pas à devoir jouer à la CPE.
Il doit être 3 heures du matin et Camille me demande de l’accompagner aux toilettes. Cette proposition arrive à point nommé, nous partons donc à la recherche du « pipi-room » et finissons par le trouver. Lorsque nous arrivons en haut de l’escalier qui nous y mène, nous constatons que nous ne sommes pas les seules à avoir eu cette idée.
J’écoute les conversations de filles éméchées, ponctuées de « c’est quoi les bails », « il est cringe », « je suis dans la sauce » et je ris. Certainement car je n’y comprends pas grand-chose. On ne dit pas un bail mais des baux ? Il est quoi ? Puis t’es pas une boulette pourquoi tu serais dans de la sauce ? Bref, c’est enfin notre tour lorsque Camille constate que la porte des toilettes dans lesquels elle se rend ne ferme pas. Elle me demande alors de faire le guet. Je m’exécute mais ne peux m’empêcher de m’interroger. Depuis quand cette porte ne ferme plus ? L’établissement compte-t-il sur la réputation des filles de se rendre en bande au « pipi-room » ? Ce qui est vrai dans notre cas. Est-ce parce qu’on peut se retrouver dans cette situation que nous y allons en groupe ? Qui de la poule ou de l’oeuf ? Bref, c’est au tour de Camille de surveiller la porte.
Avant de repartir sur la piste de danse, nous souhaitons nous laver les mains. Un des deux robinets ne fonctionne pas. Décidément cet endroit n’est pas entretenu.
C’est en repartant que je suis témoin d’une conversation entre une cinquantenaire et des jeunes femmes d’une petite vingtaine d’années. D’abord, je constate avec étonnement ne pas être la plus âgée de la soirée, puis je m’amuse de leur conservation. La cinquantenaire, qui ne semble pas les connaître, ni être particulièrement sobre, les invective de mordre la vie à pleines dents précisant que le temps passe vite, qu’elles sont jeunes et jolies et qu’elles doivent en profiter. J’ai senti chez cette femme une certaine nostalgie et une pointe de jalousie.
Je pense qu’effectivement, à partir d’un certain âge, on a une conscience plus accrue du temps qui passe. Je le ressens déjà à 34 ans. Toutefois, j’espère qu’à son âge, je vivrai l’instinct présent, loin de réminiscences de la jeunesse. Je chasse de ma tête ces questions philosophiques et retourne sur la piste de danse.
Le DJ passe notamment un tube des « Spice Girls », je suis dans mon élément. Il est 4 heures du matin passées, Camille et Quentin décident de rentrer, ils n’ont pas encore fini leurs cartons et leur départ approche à grands pas. Je décide de rester encore un peu avec Jordan. J’ai alors envie de fumer une cigarette, Jordan me propose de nous rendre dans le fumoir.
A mon époque, lorsque je sortais en boite de nuit, il était autorisé de fumer à l’intérieur. Par conséquent, à l’évocation du mot « fumoir », je m’imagine être un saumon dans une cabane danoise et sens déjà la bonne odeur du bois d’hêtre. Que nenni, je rentre dans une petite pièce où il semble ne pas y avoir d’aération. L’air y est quasi irrespirable. J’ai l’impression d’avoir fumé un paquet avec une seule inspiration dans ce lieu. Je ne termine d’ailleurs même pas ma cigarette et me dis alors que le fumoir pourrait être utilisé comme moyen de dissuasion pour les potentiels fumeurs. Nous sortons donc rapidement de cet enfer nicotineux et dansons encore un moment.
Il est 5 heures du matin passées, la place des Terreaux est toujours aussi animée qu’à notre arrivée. Je me précipite à une station de vélo’v en espérant ne pas être alpaguée par quelqu’un de trop alcoolisé et enfourche un vélo afin de rentrer chez moi. Je précise que j’étais tout à fait apte à pédaler ayant consommé de l’alcool avec modération. Il est 6 heures du matin, mes oreilles sifflent, je suis enfin dans mon lit.
J’en arrive à la conclusion de cette soirée.
Je considère que l’établissement est fidèle à sa réputation, en tout cas, à celle que j’avais en tête. Je dois toutefois admettre que j’ai passé un bon moment. D’une part, parce que lorsque l’on ne s’attend à rien, voire au pire, on est rarement déçu. D’autre part, et ça me parait être la morale de l’histoire, lorsqu’on se trouve en bonne compagnie la soirée est toujours réussie. De là à dire que je retournerai dans cet endroit, il ne faut peut-être pas exagérer.
Mais je vous rappelle que j’avais juré de ne jamais y mettre les pieds… Seconde morale de cette histoire, « il ne faut jamais dire jamais »