Déjà parce qu’on parlait plutôt sorciers, mais surtout spiritisme et franc-maçonnerie. Elle est connue comme la ville des artisans de la soie, de la gastronomie, du cinéma, mais personne ne parle de sa réputation de ville occulte. Je vous dévoile un aperçu de la face ténébreuse de Lyon.
Les Vaudois, quand l’hérésie fait place à la sorcellerie
À une époque où l’on était taxé d’hérétique dès que l’on s’écartait du chemin du christianisme, Pierre Valdo en est le parfait exemple. Né vers 1140 à Lyon et devenu marchand aisé, il décide sur un coup de tête d’abandonner femme et enfants et de donner tous ses biens pour suivre l’idéal de pauvreté apostolique plutôt que celui du bon père de famille. Dans une démarche avant-gardiste pour l’époque, il fait traduire la Bible, alors en latin, en langue vernaculaire afin d’en donner l’accès à tous. Prédicateur, il fonde la Fraternités des Pauvres de Lyon qui deviendra le mouvement vaudois.
Leur théologie conteste le pouvoir et la richesse de l’Église, prêchant le dénuement le plus total. Le charisme de Valdo nourrit les fantasmes et on attribue très vite la pratique de sorcellerie aux disciples. Les rumeurs enflent, les Vaudois deviennent secte et on dit les apercevoir lors de sabbats nocturnes (certainement les nuits de pleine lune sur fond de sacrifice d’animaux pour bien appuyer le cliché). D’abord tolérés par l’Eglise, la réputation de Valdo et de ses dévots les conduira à l’excommunication.
Les Vaudois faisant de nombreux adeptes sur leur route, le mouvement s’étend au-delà des frontières lyonnaises jusqu’en Italie. Il y est encore actif à ce jour, sous le nom de La Table Vaudoise. Aujourd’hui, on ne parle plus de sorcellerie mais d’Eglise évangélique vaudoise, bien qu’elle soit encore régulièrement pointée du doigt par le Vatican.
La dernière chasse aux sorciers de France
Contrairement à ses voisins, Lyon a été moins friande de chasses aux sorcières. Pourtant, le dernier grand procès français pour sorcellerie se tient sur ses terres.
Flashback, nous voici en 1742. À la suite de rumeurs lui attribuant des pratiques peu conventionnelles, le jeune Benoît Michalet est arrêté. Chez lui, on trouve des grimoires, différents objets sacerdotaux et des parchemins comportant des pentacles. Il n’en faut pas plus pour l’accuser de sorcellerie. Interrogé, il avoue faire partie d’une société occulte s’adonnant à des séances d’invocation d’anges afin de découvrir des trésors cachés.
L’histoire ne nous dit pas s’ils ont réussi à trouver le trésor du Parc de la Tête d’Or ou le diamant perdu du Pape dans la Montée du Gourguillon, mais mon petit doigt me dit que non. En revanche, ils deviennent les célèbres condamnés du Procès des sorciers de Lyon, nom officiel de l’affaire qui durera 3 ans.
À la suite de sa déposition, l’apprenti sorcier est soumis à la question ordinaire et extraordinaire. Traduction : différents actes de torture entraînant généralement la mort. C’est à se demander quelle était la question posée… « Hey ! T’aime bien les omelettes ? » (Une pinte offerte à celui ou celle qui a la référence). S’ensuit une longue enquête qui placera 29 personnes derrière les barreaux. Les peines vont de la simple amende à la condamnation à mort : 6 « sorciers » finissent sur le bûcher, certains étant pendus avant (pour être bien sûr).
Par ces peines sévères, on espère dissuader définitivement les pratiques occultes sur le territoire.
Comme je l’ai précisé, il s’agit du dernier procès de sorcellerie en France selon les registres. Soit les adeptes se sont tenus à carreau, soit ils ont été plus discrets. Ou plus influents. J’y viens plus bas.
Le spiritisme : esprit, es-tu là ?
Ville mystérieuse affublée de nombreuses légendes, Lyon possède aussi le titre de capitale du spiritisme. Cette pratique donne lieu à une doctrine du même nom, initiée en France par le Lyonnais Allan Kardec, qui sera ensuite enseignée dans le monde entier. Son oeuvre Le Livre des Esprits en est l’ouvrage fondateur et est l’un des écrits les plus lus après la Bible.
La base est posée.
Au milieu du XIXe, Kardec eu vent du spiritisme venu des Etats-Unis où l’on invoque les esprits en faisant tourner les tables. De cette manière, les pratiquants entre en communication avec l’au-delà afin de recevoir des enseignements donnés par les entités. Faisant rapidement de nombreux adeptes, on recense à Lyon en 1862 plus de 30 000 spirites qui se réunissent, Ouija sous le bras, lors de séances dignes de Conjuring.
Kardec, malin, ménage l’Église, évoquant le Dieu chrétien dans son ouvrage et donnant des airs d’humanisme progressiste au mouvement. Bref, pas une religion mais presque une doctrine politique ! Le succès est tel qu’il impulse la création d’une crèche spirite à Croix Rousse en 1904, l’unique en France. Subventionné par la Municipalité et l’État, le lieu accueille des enfants âgés de 15 jours à 3 ans sans distinction sociale ou religieuse et a pour but « d’étendre les bienfaits du spiritisme sur l’homme, du berceau à la tombe » (ils avaient le sens de l’humour à l’époque).
Malgré quelques rebonds dans l’entre-deux guerre, le courant s’essouffle après la mort de Kardec. Les tables s’arrêteront de tourner et les Lyonnais seront priés de retourner à la messe le dimanche. Le spiritisme est cependant très populaire au Brésil où son fondateur est le Français le plus connus des Brésiliens !
Les Francs-Maçons… et les sciences occultes
On ne les présente plus. On les dit partout et au coeur de tous les complots. Je ne parle pas des Illuminati mais bien des Francs-Maçons. À Lyon, Jean-Baptiste Willermoz contribue à ancrer la ville dans l’histoire de la société secrète au cours du XVIIIe siècle. Fabricant de soie initié à 20 ans, il est considéré comme le père de la franc-maçonnerie lyonnaise. Passionné de pratiques ésotériques, il s’intéresse au magnétisme et s’adonne à plusieurs pratiques occultes afin de converser avec Dieu.
Initié par Mesmer lui-même, fondateur du magnétisme animal (mesmérisme pour les intimes), Willermoz se livre à des séances accompagnés par ses frères francs-maçons. Avide de nouvelles pratiques, il s’intéresse au spiritisme (coucou Allan Kardec) lié au somnambulisme, courant affirmant que l’état second provoqué par le sommeil permet de communiquer avec le monde invisible. À son tour, Willermoz magnétise plusieurs jeunes femmes pour se confronter à des manifestations de l’au-delà.
Réfléchissons 2 minutes. Est-ce que Willermoz n’aurait pas été accusé de sorcellerie s’il n’avait pas été un très influent franc-maçon lyonnais ? Question rhétorique, oui. Avec une pointe de sarcasme.
Beaucoup d’autres histoires ont façonné la réputation ésotérique de Lyon, mais vous en avez déjà un aperçu. De quoi changer des anecdotes sur l’origine de la Fête des Lumières pendant vos prochains apéro’ terrasse.
Sources :
Guide secret de Lyon et de ses environs, Claude Ferrero, 2010
Les nouveaux secrets de Lyon et de ses environs, Claude Ferrero, 2013
Histoire, économie & société – chapitre « Un procès de magiciens au XVIIIe siècle », Didier
Mathias Dupas, 2001
Musée virtuel du protestantisme – Pierre Valdo et les Vaudois
Lyon Capitale – Article “Tous les gens qui s’intéressent à l’alchimie viennent à Lyon », 2015
5 commentaires
“Tiens j’te casse les œufs! ” Schwarzy forever!!! ?
Bravo ! Je te dois une pinte 😉
Mais qu’est ce que Pierre Valdo et les protestants vaudois viennent faire dans cet article??
Est ce que vous avez conscience que c’est de la diffamation envers tout un mouvement protestant vendu comme un article pour briller à l’apéro?
Cher Denis,
Les Vaudois ont été accusés – évidemment à tort – de pratiquer la sorcellerie. Malgré eux, ils ont entretenu la réputation ésotérique de Lyon. C’est bien cela que j’ai souhaité montrer dans cet article : la réputation de la ville et les mentalités de l’époque lorsque l’on parlait d’hérésie.
Je n’ai rien inventé ; ce que vous lisez est le fruit de mes recherches. Je précise d’ailleurs mes sources en fin d’article.
Bonjour madame merci pour l’article les informations vos sources et vos recherches
Je me posais la question si il serait possible d’échanger sur le sujet
Merci
Bonne journée
Cordialement