Aujourd’hui, ce billet sera coécrit avec une lectrice du blog et copine de co-voiturage. Laissez moi vous présenter Lise avec qui je partage ma voiture et de longues discutions sur le trajet embouteillé de St Just à Gerland (merci http://www.covoiturage-grandlyon.com) !
Lise est non-voyante. Ce qui fait que, ce n’est pas pour nous jeter des fleurs, mais les sites internet de bons plans, elle en raffole, tout simplement parce qu’elle ne rentrera jamais dans une boutique par hasard, mais bien parce qu’elle en aura entendu parler.
Au moment de notre rencontre, n’ayant jamais eu aucune information sur ce handicap, je me suis posé un tas de questions sur les réactions à avoir. J’avais peur de mal faire et d’enchainer gaffes sur gaffes.
Comment allons-nous nous reconnaître ? Dois-je continuer à employer le mot « voir » à tout bout de champ ? Comment lui parler de mon quotidien de graphiste sans paraître maladroite ?
Évidemment, Lise m’a très bien mise à l’aise et rapidement mes craintes avaient disparu.
Vous trouvez sans doutes ces interrogations idiotes, bien que je pense qu’en pareil circonstance, vous seriez amené à vous les poser aussi.
Pour être sûrs de ne pas commettre d’impairs, Lise va nous donner quelques conseils sur les bonnes réactions à avoir quand on rencontre une personne non-voyante.
Et puis tiens ! Elle va en profiter pour râler un peu, puisqu’il est tout à fait de bon ton de le faire sur ce blog.
> Doit-ton proposer notre aide systématiquement quand on croise une personne non-voyante ?
Fort heureusement pour moi, je n’ai pas toujours besoin d’aide. La plupart du temps, je me débrouille même plutôt bien toute seule.
Cela dit, il y a des situations où un petit coup de main est toujours bienvenu ! En voici un petit aperçu :
- lorsque je traverse un espace vaste dépourvu de repères. Ma bête noire : les places. Terreaux, Bellecour, Carnot, Raspail, Charpennes, etc… si je peux les éviter, je le fais, mais ce n’est pas toujours possible.
- lorsque je me trouve dans un lieu très fréquenté, par exemple dans le métro aux heures de pointe. Dans ce cas, j’ai beau avoir une canne blanche, j’ai l’impression que celle-ci est invisible.
- lorsqu’un événement particulier, comme des travaux ou un véhicule stationné au milieu du trottoir, vient perturber mon itinéraire habituel.
- lorsque je cherche une adresse en particulier. J’ai mes petites astuces pour trouver la rue, en général, mais le numéro, rien ne me l’indique !
> Que doit-on faire pour aider une personne dans la rue ?
Par pitié, ne m’empoignez pas sauvagement le bras pour me faire traverser la rue, ne me hissez pas dans le bus, n’utilisez pas ma canne blanche comme une laisse, ne me sautez pas dessus en hurlant « Vous allez où ? » et surtout, ne me touchez pas sans autorisation sinon je mords !
Si je prends la précaution de vous dire tout cela, c’est parce que c’est du vécu, et du vécu quotidien ! Rassurez-vous cependant, je sais à peu près me tenir et je n’ai encore mordu personne… même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque parfois !
Je ne vois pas, mais j’entends tout à fait normalement. Le meilleur moyen d’entrer en communication avec moi est donc de me parler. Si vous me voyez en difficulté, ou tout simplement si vous êtes d’humeur liante, n’hésitez pas, après m’avoir saluée, parce que c’est plus sympa comme ça, à me proposer votre aide. Je me garderai simplement la liberté de l’accepter ou de la refuser, dans ce cas, n’y voyez aucune offense ! Après, c’est moi qui vous expliquerai comment m’aider, inutile d’avoir potasser le manuel du guide parfait pendant des heures. A moins que cela vous turlupine vraiment, auquel cas vous pouvez aller voir cette vidéo : http://technique-guide.ideance.net/video-1-technique-guide.php.
Quoi qu’il en soit, vous pouvez toujours me faciliter la vie en partageant les informations qui vous entourent. N’hésitez pas à me dire quand le feu piéton passe au vert, quel est le numéro du bus qui arrive, quel est le temps d’attente à l’arrêt, et toutes ces petites choses qui me rendront grandement service !
> Peut-on parler sans tabou de cinéma ou de l’émission vue la veille à la TV ?
Bien évidemment ! Eh non, je ne vis pas dans un monde parallèle où TF1 n’existerait pas…
Malheureusement…
Certes, j’évite d’aller au cinéma voir des films chinois ou iraniens en VO sous-titrée. Mais je n’ai aucune objection à ce qu’on me les raconte.
Lorsque je fréquente les salles obscures, j’essaie de bien me renseigner sur le film avant pour être certaine de ne pas en louper la moitié faute de dialogues. Il existe bien un procédé formidable, l’audiodescription, qui consiste à ajouter à la bande son d’un film des commentaires qui décrivent l’action à l’image, mais rares, voire inexistantes, sont les séances qui proposent cette alternative sur Lyon.
> Pourquoi les musées d’Arts proposent-ils des parcours «non-voyant» ?
Bonne question ! Nombreuses sont les initiatives visant à rendre l’art visuel « accessible » aux non-voyants. Mais peu d’entre elles sont vraiment réussies ! Tout simplement parce que, très souvent, les concepteurs pensent qu’il suffit de coller un livret braille dans les mains d’un aveugle pour qu’il soit content…
Grâce à un cycle de visites thématiques qui font une grande place à la description et à l’histoire de l’art, le « Musée du bout des doigts » est en revanche un très bon exemple à suivre !
http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/activite-culturelle/aveugles-et-malvoyan/visite-pour-aveugles
> Pour terminer, as tu un bon-plan à conseiller aux personnes ayant une déficience visuelle sur Lyon et sa région ?
Magasins, restaurants, salles de spectacle, ce que j’apprécie avant tout dans ces lieux, c’est un bon accueil ! Qu’on ne me considère pas comme une extra-terrestre, qu’on ne me prenne pas pour une demeurée, qu’on prenne du temps pour moi, tout ceci est encore bien plus important pour moi que pour n’importe qui.
Un vrai bon plan côté mode, c’est pour moi l’initiative des Galleries Lafayette Part-Dieu, qui propose, à chaque changement de saison, une présentation de la nouvelle collection aux personnes non-voyantes. Tendances phares, pièces maîtresses, tout est minutieusement détaillé et décrypté par les responsables de rayons. Et bien sûr, chose essentielle, le tripotage est permis ! En dehors de ces présentations, nous avons l’immense privilège de pouvoir réserver les services d’une vendeuse pour une séance de shopping personnalisée !
J’en connais qui vont être jalouses !
16 commentaires
J’avoue que je n’aborde jamais les personnes mal ou non voyantes de peur de mal faire. Merci pour ces petits conseils, j’oserais leur venir en aide la prochaine fois.
Idem pour moi, j’ai toujours peur de ne pas pouvoir me faire entendre de la personne mal-voyante (chui timide) et que la toucher soit perçu comme trop intrusif.
Je trouve l’initiative des galeries absolument génial !
Quant au cinema, j’ai téléchargé (bouuuuh !) un film l’autre jour, qui s’est révélé être en version audiodescriptive, et bien je l’ai regardé, et si au début j’ai trouvé ça chiant (puisque je suis voyante), et bien au final je comprend que ça puisse aider beaucoup les non-voyants au quotidien.
Chouette article en tous les cas !
Merci pour les retours. Je transmet à Lise.
Merci pour cet article, moi aussi il y a beaucoup de questions que je me posais dans cet article sans jamais avoir osé les poser ! Merci donc ! C’est vrai que je me sens toujours gênée de proposer mon aide, de peur de mal faire et de vexer une personne qui en réalité s’en sortirait très bien sans moi. C’est difficile de trouver où placer le curseur… Maintenant je garderai cet article en tête ! Quant aux galeries Lafayette, chapeau pour cette initiative ! Cela fait longtemps que ça existe ?
Pour les galeries, C’est un petit groupe de non-voyantes qui avaient fait la demande au Printemps et aux Galeries. Et c’est les Galeries qui ont répondu positivement. Très bonne chose en effet. En revanche, je ne sais pas depuis quand ça existe.
Lise ?
Génial cet article! Je suis toujours épaté quand ie vois la virtuosité avec laquelle certains malvoyants se débrouillent en ville, font face aux obstacles imprévus, etc…
Et comme toujours, c’est en connaissant des gens qu’on est plus ou moins sensible à telle ou telle situation (on peut pas toujours deviner des attentes qu’on imagine pas) donc c’est cool d’avoir fait cet article! 🙂
Et c’est marrant, car c’est grâce au co-voiturage que j’ai découvert un univers qui m’étais totalement inconnu.
Un article très sensé. Chapeau bas !
Super intéressant et vraiment utile, merci beaucoup Lise et Milie !
Très bien cet article ! Un truc qu’on attendrait pas du tout à trouver sur un blog comme ça (pas de jugement de valeur dans cette phrase). C’est très frais, informatif et humain. Merci à vous 2 🙂
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Bonjour,
Bravo Lise pour tes propos et merci à l’initiatrice de cet article !
Puis-je ajouter, étant non-voyante moi-même, que, contrairement à ce qu’on pense, les personnes déficientes visuelles peuvent être très sensibles aux couleurs, au graphisme, aux images en général !
Bon, je ne connais pas le musée “du bout des doigts”, et je n’ai pas de toucher développé (handicap associé à la cécité – qu’importe), mais je suis sensible aux descriptions et ce qui me fait plaisir par dessus tout, c’est qu’on me permette d’intervenir dans des discussions propres à des perceptions visuelles. N’oubliez pas que quelques personnes ont eu la vue avant de la perdre !
Moi, mon truc, ce sont les jeux de couleurs autant que les jeux de mots… Et je suis ballettomane… Ben oui, mais aveugle quand même…
Tout ça pour dire : “faites une croix sur les préjugés !”
Encore merci !
… Ecrit de… Mes Ardennes natales !
Merci Aurélie pour ton message et ton ajout d’informations.
Effectivement, la plus part des gens ont une approche pleine de préjugés concernant la déficience visuelle. Et le manque d’information sur le sujet ne nous pousse pas franchement à nous montrer plus curieux.
Concernant le graphisme, j’avoue que moi même, je n’ai pas su (et osé) illustrer l’article par un dessin.
Après la lecture de ton commentaire, je m’aperçois que c’était une erreur !
Très bonne initiative cet article ! (Oui, j’arrive 15 ans après la bataille, je viens de trouver le lien sur l’article plus récent de Lise !)
Je suis persuadée qu’il y aurait un truc intéressant à faire (Ah oui, je précise, je suis éducatrice de chiens guides d’aveugles), ça t’intéresserait, Lise ? Je ne sais pas quoi ni comment, mais quand je sais que 1 à 2% des déficients visuels ont un chien guide, et que je vois ce qu’ils apportent, je me dis qu’il y a forcément un manque d’informations… Les gens ignorent que c’est gratuit, qu’il y a peu d’attente, qu’il y a un suivi régulier….